Fruits et légumes Bras de fer entre Paris et la commission de Bruxelles

"Nous sommes à deux doigts de porter plainte contre la Commission pour ne pas avoir mis en place la clause de sauvegarde prévue pour la pomme en raison d'importations trop importantes de l'hémisphère Sud", a déclaré mercredi à l'AFP François Lafitte, président du comité économique des fruits et légumes pour le Grand Sud-Ouest de la France. "Nous sommes dans un véritable bras de fer avec Bruxelles", a ajouté M. Lafitte, qui a été président d'Interfel, l'interprofession française des fruits et légumes, entre 2000 et 2003. M. Lafitte reproche à Bruxelles de ne pas avoir déclenché cette clause, qui impose des droits de douane additionnels, à cause de "déclarations erronées" de trois pays (Pays-Bas, Belgique et Grande-Bretagne) qui ont minoré le volume de pommes importées principalement de Nouvelle-Zélande, du Chili et du Brésil.

Le volume réellement importé dans l'UE entre le 1er janvier et le 31 août 2005 a excédé le million de tonnes alors que le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde est fixée à 850.000 tonnes, selon Jacques Malagié, directeur du comité économique fruits et légumes du Val-de-Loire. Le ministre français de l'Agriculture Dominique Bussereau a indiqué, le 9 décembre, qu'il avait demandé à Bruxelles le déclenchement de cette clause de sauvegarde, pour le moment sans succès. Pour M. Malagié, "l'Europe est un grand désordre administratif qui est incapable d'appliquer sa propre réglementation".

La situation des producteurs français de pommes est jugée "dramatique" par M. Lafitte, selon lequel ils écoulent actuellement leur production à 0,30 euro/kg alors que le prix de revient est estimé à 0,70 euro/kg. Les prix d'achat des pommes aux producteurs étaient en baisse en novembre de 25,6% (en glissement annuel par rapport à novembre 2004) à cause d'une "demande insuffisante qui affecte l'ensemble des variétés", a révélé mercredi la note mensuelle de l'Insee sur les prix agricoles. Les vergers français ont produit près de 1,8 million de tonnes en 2005, mais les stocks se montent actuellement à environ 300.000 tonnes que les producteurs ont du mal à écouler auprès des industriels qui fabriquent des jus ou d'autres produits comme des compotes. Le bras de fer entre Bruxelles et la France se déroule également sur un autre terrain.

La Commission européenne a demandé au gouvernement français des explications pour avoir au tournant des années 2000 versé aux producteurs de fruits et légumes 150 millions d'euros d'aides que Bruxelles juge prohibées et dont elle pourrait réclamer le remboursement en 2006. "Je suis optimiste sur cette affaire car nous allons prouver que ces crédits n'étaient pas discriminatoires envers les autres pays", affirme M. Lafitte.